« La vigilance ne se délègue pas. » (Alain)
« Est citoyen quelqu’un qui est capable de gouverner et d’être gouverné. » (Aristote)
La démocratie n’est pas une utopie : elle a bien pu exister à l’échelle de la cité Athénienne (en replaçant les choses dans leur contexte et en remarquant que l’exclusion des métèques et des femmes dans l’Antiquité n’était pas une condition nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie, c’était simplement le reflet de la norme sociale de l’époque tout comme nous interdisons aujourd’hui le droit de vote aux étrangers — ce qui n’est certes pas une grande perte vu le faible pouvoir que ce droit donne aux citoyens). Tout citoyen pouvait s’il le voulait prendre la parole, c’était un système qui organisait la défiance plutôt que la confiance en désignant des serviteurs plutôt que des maîtres aux pouvoirs illimités et non confrontés à des contre-pouvoirs (on peut développer sur les différents principes politiques que respectait le régime athénien — iségoria, isonomia, rotation des charges, amateurisme, docimasie, révocabilité, reddition des comptes, mise en accusation, etc.). Nous gagnerions à nous inspirer de ces principes pour généraliser la participation des citoyens à l’échelle de la nation (à l’aide d’assemblées locales, d’une mise en commun par Internet...). Enfin, Athènes n’est pas le seul exemple de régime démocratique utilisant le tirage au sort (voir à ce sujet l’ouvrage Petite histoire de l’expérimentation démocratique : Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours d’Yves Sintomer).
« Le tirage au sort érigé en dispositif central de désignation des “gouvernants” au détriment de l’élection, le nombre considérable de postes à pourvoir (chaque année, en moyenne un pour quinze à trente citoyens), la brièveté et le non-cumul des mandats, la rotation accélérée des tâches (à l’exception symptomatique de celles pourvues par voie électorale qui demeuraient souvent accaparées par les mêmes titulaires), le caractère collégial des mandats exercés… toutes ces caractéristiques qui sembleraient aujourd’hui exotiques, saugrenues, impraticables (ou par trop subversives), mais qui, à l’époque, “faisaient système”, dessinent en creux une définition de “la” démocratie substantiellement différente de celle de nos démocraties représentatives électives modernes. » (Patrick Lehingue, Le vote. Approches sociologiques de l’institution et des comportements électoraux, Paris, La Découverte, 2011, p. 19)
La démocratie est un régime qui fonctionne, qui est stable et a plein d’atouts que n’ont pas les autres régimes que nous avons pu connaître (aristocraties républicaines, ploutocraties, monarchies…). Poincaré affirme que « L’expérience est la source unique de la vérité : elle seule peut nous apprendre quelque chose de nouveau ; elle seule peut nous donner la certitude. ». Observons donc les faits : alors qu’en France l’élection a donné le pouvoir aux riches (les 1 %) pendant 200 ans, le tirage au sort a donné le pouvoir aux pauvres (les 99 %) pendant 200 ans à Athènes. C’est ce qu’indique l’orateur Isocrate dans un discours composé en 354 avant JC et rapporté par Hansen dans La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène : « Maintenant, qui parmi les gens censés ne souffrirait pas, quand on voit bien des citoyens se présenter au tirage au sort [pour être juge] avant l’audience, pour savoir s’ils auront ou non le nécessaire [...]. Autrefois il n’y avait pas de citoyen qui manquait du nécessaire et mendiât auprès des passants en déshonorant la cité ; maintenant les gens dans le besoin sont plus nombreux que les possédants. ». La citoyenneté active n’était plus à l’époque l’apanage des riches. Ajoutons que le régime athénien n’a chuté qu’à cause de ses défaites militaires : son déclin avait une cause conjoncturelle et non structurelle, la démocratie n’est pas à mettre en cause et aurait duré sans cela. On peut le contester, mais ça n’en ferait pas une critique spécifique à la démocratie : tout régime est avant tout humain et donc susceptible de se tromper. Néanmoins la démocratie présente des avantages que nous pouvons déjà apercevoir et qui devraient nous donner très envie de changer de constitution : elle légitime le régime (une décision est mieux acceptée si elle a été décidée par la majorité des Français que si elle a été décidée par quelqu’un qui a été élu par 51 % des électeurs mais en réalité par bien moins de la moitié des Français en âge de voter), elle politise les gens (car en leur donnant du pouvoir, ils sont incités à en profiter pour essayer de résoudre leurs problèmes quotidiens en les présentant à l’Assemblée et en en parlant à leur entourage) et elle incite à la délibération institutionnalisée plutôt qu’à la confrontation entre gouvernants et gouvernés (ce qui se passe lors des manifestations : faute de pouvoir participer à la prise de décisions, on descend dans la rue car on estime que les décideurs ne sont pas légitimes pour faire le choix qu’ils essaient d’imposer au peuple).
... que 7 % des Français majeurs ayant été scolarisés en France étaient illettrés en 2011 (enquête « Information et Vie Quotidienne » de l’ANLCI et de l’INSEE) et que 40 % des Français de plus de 16 ans éprouvaient des difficultés pour « comprendre et utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » en 1995 (étude « Littéracie, économie et société » de l’OCDE) ? Comme le disait Churchill, « Le meilleur argument contre la démocratie est fourni par une conversation de cinq minutes avec l’électeur moyen. ».
- Réponse : pour ce qui est des charges à répartir par tirage au sort, les personnes désignées au hasard gardent toujours la possibilité de refuser si elles se sentent incapables d’assumer la fonction proposée. Et le cas échéant, elles le font sans hésiter sachant qu’elles peuvent être condamnées lors de la reddition des comptes si elles acceptent une fonction qu’elles sont objectivement incapables a priori d’exercer. Quant aux citoyens qui se rendent à l’Assemblée, ils sont responsables des lois qu’ils votent et comme toute personne qui participe aux décisions politiques, ils doivent s’expliquer devant un tribunal s’ils ont présenté à l’Assemblée une loi qui a été votée et s’est avérée être un fiasco. Les Grecs le faisaient et nous avons voulu le faire lorsque Roselyne Bachelot s’est retrouvée avec un important surplus de vaccins contre le virus H1N1. On se posera toujours la question : le décideur impliqué était-il de bonne foi au moment où il a participé à la prise de décision ? Ceci devrait limiter largement les participations de citoyens qui se surestiment ou présentent une proposition de loi non préparée sérieusement ou dont l’étude d’impact a été bâclée. Quant aux personnes médicalement reconnues comme incapables de porter la responsabilité de leurs choix, on peut envisager de leur retirer les droits civiques comme nous le faisons déjà aujourd’hui pour les majeurs sous tutelle.
Ce qui compte, c’est la justesse des décisions, or si le peuple n’est pas rationnel et fait des erreurs qu’auraient pu éviter les 1 %, il n’y a pas de raison de lui donner le pouvoir.
- Réponse : la démocratie n’est pas forcément un système parfait dans lequel les citoyens seraient nécessairement rationnels et prendraient toujours les bonnes décisions. Toutefois, il est moins dangereux de se tromper à plusieurs que de laisser des professionnels de la politique le faire seuls et dissimuler leurs échecs pour promouvoir leur réélection. Si nous avions été en démocratie, personne n’aurait raconté aux Français que le nuage de Tchernobyl n’avait pas franchi la frontière. La prise de décision en commun responsabilise, là où la prise de décision individuelle incite le décideur à se défaire de sa responsabilité en masquant ses erreurs pour ne pas perdre le pouvoir.
« Pourquoi les hommes combattent-ils pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut ? » (Spinoza)
En 1981, au lendemain de l’abolition de la peine de mort par des élus, un sondage du Figaro a révélé que 63 % des Français y étaient opposés. De nos jours, le Front National obtient lors des élections 20 % des suffrages exprimés en promouvant la haine de l’Islam, et les rangs des manifestations homophobes sont plus remplis que ceux des manifestations favorables à l’égalité des droits entre les couples sans considération d’orientation sexuelle. Veut-on vraiment laisser les fascistes et les homophobes participer à la prise de décision collective ?
- Réponse : les progrès sociaux ne sont pas forcés de s’acquérir par des décisions unilatérales de dirigeants politiques en quête de sujets de diversion. Au contraire, ce type de démarches autoritaires suscite de fortes tensions puisque la majorité de la population est opposée à la réforme et se voit imposer une décision à laquelle elle est opposée. En démocratie, il est possible d’arriver à faire évoluer la loi en délibérant. Nous avons oublié cette dimension délibérative à force de vivre dans des régimes où l’on ne nous demande que d’introduire des bulletins pré-imprimés dans une urne. Mais la démocratie passe par des débats publics au cours desquels chacun peut participer (dans la limite des places disponibles, mais l’informatique et Internet permettent aujourd’hui de lever un certain nombre de restrictions matérielles) pour tenter de convaincre les autres de la pertinence et de la rationalité d’une proposition. Est-il absurde d’attendre que la majorité des citoyens soit convaincue que la peine de mort est une mauvaise chose avant de l’abolir ? Si l’on pense qu’il faut faire le bonheur du peuple malgré lui, c’est qu’on n’est pas démocrate car on ne croit pas en la capacité des gens à prendre les bonnes décisions pour eux-mêmes (ils auraient besoin de maîtres élus pour les leur imposer).
Qu’est-ce qui nous dit que l’intérêt général sera bien préservé par le plus grand nombre (qui n’est pas l’unanimité, et donc exclut des minorités) ? « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » (Albert Camus). Si l’on considère que la peine de mort est une mauvaise chose, le fait est que les assassins seront toujours une minorité au sein du peuple et que leur sort ne dépendra que du bon-vouloir de la majorité à se saisir de la question. Or il est probable que les membres de la majorité ne s’opposeront pas à la peine de mort car ils penseront tous individuellement davantage à leur intérêt personnel (dissuader au maximum les agresseurs d’agir) qu’à l’intérêt général (une société n’a pas intérêt à légaliser le meurtre). De la même façon, les homosexuels sont une minorité et seront toujours soumis au bon-vouloir de la majorité hétérosexuelle pour acquérir leurs droits. Si celle-ci campe sur une opposition irrationnelle de principe, l’égalité rationnellement requise ne sera pas atteinte.
- Réponse : affirmer que la majorité sera toujours incapable de comprendre rationnellement que préserver les droits des minorités contribue à l’intérêt général, c’est soit laisser entendre qu’il existe des régimes meilleurs pour le faire (ce qui reste à prouver), soit opposer au peuple une méfiance de principe qui justifie alors tout à fait que l’on soit contre la démocratie… Le point de vue démocrate consiste quant à lui à affirmer que la majorité est capable de comprendre qu’il faut préserver les droits des minorités, et les différents exemples connus de démocraties tendent à le confirmer. Enfin, il est discutable qu’imposer des décisions bonnes dans l’absolu à un peuple qui majoritairement n’en mesure pas les vertus soit une bonne chose : cela met en cause la légitimité du régime et nuit donc à tout le monde.
- Quelque part en Grèce... Il ne faut pas grand chose pour écouter les citoyens !
Le tirage au sort étant rapide et économique, il peut être utilisé tous les jours et rend possible la rotation des charges sur les postes exécutifs, qui peut même être quotidienne pour ceux qui ne nécessitent pas une continuité idéologique ou une compétence longue à acquérir. Au contraire, l’élection est un processus qui prend du temps à être organisé et coûte beaucoup (humainement et matériellement) : elle ne favorise pas du tout la rotation des charges. Or permettre à un maximum de citoyens d’accéder un jour (ou plus) à une parcelle de pouvoir leur permet de connaître le système du point de vue des exécutants et ainsi d’en apprécier la légitimité (par exemple, on respecte davantage celui qui organise la prise de parole dans l’assemblée quand on a soi-même dû distribuer la parole). « Le principe de base de la constitution démocratique, c’est la liberté […] et l’une des formes de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant. » (Aristote). Les serviteurs savent ce que signifie obéir (puisqu’ils étaient de simples citoyens avant d’être tirés au sort) et savent qu’ils devront obéir aux décisions qu’ils auront prises pendant leur mandat (puisqu’ils restent des citoyens qui ne sont ni ne se sentent au-dessus de la loi). L’égalité politique des citoyens devient donc une réalité et l’accaparement oligarchique de la politique est rendu impossible. En outre, la rotation des charges limite la corruption et l’envie de s’accaparer le pouvoir à long terme pour en abuser (car le pouvoir corrompt, comme l’affirme Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. […] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »).
Le tirage au sort est difficile à truquer alors que l’élection constitue un nid à fraude, en particulier lorsque le vote se fait sur des machines au fonctionnement confidentiel. De toute façon, le tirage au sort n’incite pas à la fraude puisqu’il ne sert qu’à désigner des serviteurs contrôlés par tous les autres citoyens. L’expérience montre que les tirés au sort ont peur de décevoir et d’être condamnés lors de la reddition des comptes (lire La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène : Structure, principes et idéologie de Mogens Herman Hansen).
La démocratie permet à chacun de s’impliquer dans la vie politique, à tout moment. L’implication politique du citoyen devient la norme et non l’exception. À l’inverse du gouvernement « représentatif », la démocratie rapproche le citoyen du politique, en laissant le premier venu entrer dans l’Assemblée.
Tout débat est extrêmement dur à gérer, les gens sont généralement peu habitués à faire preuve de diplomatie.
- Réponse : effectivement, la démocratie s’apprend et ne peut pas fonctionner dans un pays où les gens ne sont pas massivement éduqués et capables de s’écouter les uns et les autres. Ceci explique probablement que la démocratie n’existe de nos jours qu’à l’échelle de petites entités territoriales, mais il n’y a pas de raison pour que ces progrès locaux ne puissent pas s’étendre à plus grande échelle. C’est simplement une question de temps : il faut faire découvrir aux gens les atouts d’un débat bien encadré. Les règles suivantes sont particulièrement efficaces, il faut les expérimenter soi-même pour en réaliser la pertinence : on ne se coupe pas la parole, on s’inscrit pour intervenir sur une liste mise à jour en continu, et on limite son temps de parole quitte à se réinscrire dès que l’on a terminé pour reprendre la parole un peu plus tard. L’existence de l’égalité politique réelle au sein des assemblées populaires n’empêche pas l’instauration de règles. Ceux qui ne les respectent pas sont en général réprimandés directement par leurs pairs, et la honte aide souvent à se calmer.
À Athènes, une seule assemblée suffisait, mais en France, il en faudrait des centaines... or des assemblées communales ou départementales rendront toutes un avis différent sur une proposition de loi et cela posera problème. On aboutira au morcèlement de l’État-nation, avec une décentralisation poussée à l’extrême : l’État central n’aura plus qu’une compétence d’exception insignifiante, chaque commune (par exemple) votant ses propres lois. Si les lois ne peuvent devenir nationales qu’occasionnellement, lorsque toutes les communes parviennent à se mettre d’accord, il y a statistiquement peu de chances pour que l’on arrive à établir des lois communes.
- Réponse : en effet, dans un État comme la France, on a besoin d’assemblées locales et la décentralisation s’en trouve facilitée. Raymond Aron nous prévient : « Plus grande est la surface de la société couverte par l’État, moins celui-ci a des chances d’être démocratique. ». Mais est-ce vraiment un problème ? Le tout est de trouver un juste milieu entre trop et pas assez d’assemblées, et de faire en sorte que la loi ne change pas du tout au tout entre deux zones du territoire voisines dont la loi diffère. Il faut aussi noter que la mise en commun des idées, à l’ère d’Internet, n’est certainement pas impossible et qu’il est toujours envisageable de rédiger des lois générales qui conviennent à la majorité des Français pour tous les principes de base de l’État (prohibition de l’esclavage ou de l’homicide, par exemple, ou plus simplement le Code de la route).
Pourtant, cela est parfois nécessaire (catastrophe naturelle, accident technologique, déclaration de guerre) !
- Réponse : on peut envisager la création d’un organe ayant des effectifs réduits, chargé du traitement des crises, peut-être même constitué d’élus au mandat court et non renouvelable, mais qui seront soumis à un contrôle extrêmement sévère en cas de violation de principes énumérés dans la constitution (puisqu’on rappelle que dorénavant, la constitution protège vraiment le peuple et que les dirigeants sont des serviteurs passibles de sanctions s’ils font des bêtises). C’était le cas des stratèges de guerre à Athènes : ils devaient rendre des comptes à la fin de la guerre de leurs décisions (la victoire ne les dédouanant pas du devoir de bien traiter leur armée).
La démocratie et le tirage au sort feraient participer les gens, mais ils ont déjà pour la plupart des emplois du temps remplis (un travail, une famille…). Seule une minorité pourrait consacrer du temps à la politique. Le problème est particulièrement visible chez les travailleurs : on ne peut pas soudainement cesser d’aller travailler pour s’absenter une semaine dans un parlement, certaines personnes ne peuvent pas quitter leurs fonctions.
- Réponse : pour résoudre ce problème, certains démocrates défendent l’idée d’un revenu de base inconditionnel et à vie. Les justifications de cette idée sont longues, nombreuses et sortent du cadre de cet argumentaire. Sans aller jusque-là, il est possible d’envisager une indemnité horaire pour tout citoyen qui vient siéger dans une assemblée afin de le libérer de la contrainte économique de subsistance. C’est bien peu d’argent comparativement aux frais de fonctionnement des instances actuelles, qui accordent une vie de luxe à chaque élu. Si malgré cela, certaines personnes s’estiment irremplaçables et dans l’impossibilité de se donner du temps pour améliorer leur quotidien par la politique, elles peuvent toujours demander à des amis de défendre leurs intérêts à l’assemblée. La démocratie n’exclut pas la délégation, son principe de base est la possibilité pour tout citoyen de participer à la vie politique, non l’obligation.
L’abstention aux élections (20 % aux présidentielles de 2012 et 40 % aux législatives de la même année) montre bien que les gens ne sont pas massivement intéressés par la politique.
- Réponse : les gens s’intéressent à la politique dès l’instant qu’ils réalisent ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire la gestion des affaires communes, ou selon Jacques Généreux « l’instrument de débat et d’action collective que se donne une communauté pour régler les conflits d’intérêts et vivre ensemble selon ses idéaux. Fonction primitive du politique : procurer à chacun l’assurance minimale de vivre dans une société et non dans une jungle livrée sans défense à tous les aléas et à la loi du plus fort. » (La Dissociété, 2006). Les gens peuvent s’impliquer en politique si on leur montre que la « cause des causes » de leurs problèmes est leur impuissance politique inscrite dans la Constitution. Il suffit qu’ils arrêtent de s’en désintéresser pour réclamer une démocratie, et ils le font dès que l’on parvient à leur montrer le lien entre leurs problèmes quotidiens et la politique. « Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s’occupe de vous tout de même... » (Charles de Montalembert). Ajoutons qu’actuellement tout est fait dans notre pays pour donner une image professionnelle de la politique, inaccessible au Français moyen (à cause notamment de l’apparente technicité du langage politique, en particulier en matière d’économie) : il est normal que cela entraîne une dépolitisation des citoyens, mais il suffit de pointer la fausseté de cette prétendue complexité du politique pour initier la politisation des individus (bien souvent, la politisation passe par une redéfinition de ce qu’est la politique). La démocratie arrivera naturellement le jour où les gens se mettront à la réclamer massivement, et la question de l’acceptation du pouvoir qui leur sera confié ne se posera plus. Notre seule préoccupation doit donc être dans l’immédiat de politiser notre entourage pour être nombreux à vouloir une constitution démocratique établie par une assemblée constituante tirée au sort, soumise au contrôle du peuple et devant soumettre sa proposition de constitution à un référendum.
Suite : IV. Comment peut-on faire la transition ?